
Elu le 05 novembre 2024, le 47ème Président des Etats-Unis, Donald Trump, a bouclé la composition de son gouvernement en attendant la confirmation du Sénat. Au très stratégique poste de Secrétaire d’Etat, est nommé Marco Rubio, Sénateur de Floride et adversaire de Trump aux primaires présidentielles républicaines de 2015. Ce fils d’immigrés cubains est réputé pour sa dureté envers le pouvoir castriste et son aversion pour la Russie et la Chine qui ont actuellement pignon sur rue en Afrique.
A moins d’une surprise, Marco Rubio sera « Monsieur Diplomatie » du 2ème mandat de Trump après la parenthèse de 48 mois de Joseph Robinette Biden, Jr. Cubain d’origine, le Sénateur de Floride est la « bête noire » du pouvoir de la Havane. « En tant que descendant d’immigrants cubains, en tant que personne qui a été élevé dans une communauté d’exilés cubains et en tant qu’homme qui se soucie profondément du bien-être du peuple cubain, l’un de mes plus grands espoirs est de vivre pour voir la nation de Cuba et son peuple devenir libres, ouverts et démocratiques », proclamait-il le 17 octobre 2014 à Washington DC.
Selon les informations, c’était lui qui avait inspiré le renforcement tant décrié de l’embargo durant le premier mandat de Trump, un embargo qui est maintenu par Joe Biden. Il s’était aussi engagé à apporter la démocratie en Amérique latine : au Venezuela, au Nicaragua et bien sûr à Cuba.
« Nous donnons enfin la priorité à l’Amérique. En Amérique latine, notre pays s’oppose une fois de plus aux régimes communistes et socialistes corrompus. Et nous soutenons les peuples de Cuba et du Venezuela dans leur juste lutte pour la liberté. Merci Marco (Rubio). Merci Rick (Scott). Merci Lindsey (Graham) », déclarait, le 18 juin 2019 à Orlando, Trump lui-même qui, quelques mois plus tard (2020), a nommé Rubio président par intérim de la commission sénatoriale du renseignement.
« Le sénateur Rubio est un ennemi avéré et avoué de Cuba. Par conséquent, le fait qu’il assume un rôle important au sein du Comité sénatorial du renseignement n’est pas une bonne nouvelle pour Cuba, et je ne pense pas que ce soit une bonne nouvelle pour les États-Unis non plus », avait réagi Carlos Fernandez de Cossio, Directeur des affaires nord-américaines au ministère cubain des Affaires étrangères.
La fermeté du Sénateur de 53 ans va au-delà de Cuba. Il est également un fervent défenseur de l’Israël et un farouche opposant à la Russie, la Chine et l’Iran. Pour nombre d’observateurs, si sa nomination est confirmée par le Sénat, les relations internationales risquent d’être tendues. Qu’en sera-t-il alors de l’Afrique où des régimes progressistes et/ou réfractaires au changement démocratique se rapprochent désormais de la Russie ou la Chine ou encore l’Iran, allant jusqu’à dénoncer des accords militaires avec les pays occidentaux comme la France ou les Etats-Unis ?
On s’en souvient, le 14 septembre 2022, le Sénateur de Floride avait envoyé à Anthony Blinken qu’il va remplacer dans quelques jours, une lettre lui demandant des sanctions contre l’Algérie. Dans cette correspondance, il disait que « l’Algérie figure parmi le top 4 des acheteur d’armes russes dans le monde, avec un montant de sept milliards de dollars en 2021. Ce flux financier permet d’alimenter la machine de guerre en Ukraine. Pourtant, vous n’avez pas encore fait usage de sanctions qui sont en votre pouvoir ». Avant d’encourager Blinken « à prendre la menace que la Russie fait peser sur le monde au sérieux, et à entreprendre les mesures nécessaires à l’encontre des parties dont l’achat de matériel russe permettent à la Russie ses actions de déstabilisation ». Va-t-il traduire dans les faits ce qu’il réclamait il y a deux ans, surtout que plusieurs pays africains se renforcent militairement en Russie ? La question reste posée.
Par ailleurs, le futur chef de la diplomatie étasunienne avait critiqué, en août dernier, le gouvernement éthiopien pour son bilan en matière de droits de l’homme, exigeant la libération des prisonniers politiques, notamment le journaliste Eskinder Nega. « Le journaliste éthiopien Eskinder Nega, qui a récemment été libéré après 7 ans de prison sur de fausses accusations, vient d’être à nouveau arrêté. J’exhorte le gouvernement éthiopien à le libérer ainsi que d’autres prisonniers politiques », avait-il écrit sur son compte Twitter (X) après avoir reposté une alerte d’Associated Press (AP).
S’agissant de l’influence de la Chine en Afrique, Rubio avait dénoncé sur X la visite du ministre chinois des affaires étrangères en Afrique qui, selon lui, n’avait pour but que de « faire pression sur les nations pour qu’elles nouent des relations qui profitent à Pékin, menacent la souveraineté du continent et entraînent une dette écrasante ». « Le Parti communiste chinois dissimule ses efforts insidieux sous le nom de diplomatie », avait-il ajouté.
Il s’en est également pris aux BRICS, l’alliance économique des principaux pays en développement, qui comprend désormais l’Afrique du Sud, l’Ethiopie et l’Egypte. Pour lui, cette alliance avait été créée par le président russe Vladimir Poutine « dans le but évident d’évincer les États-Unis de leur position de leader mondial » et qu’elle était désormais « effectivement contrôlée par Pékin ».
A en croire plusieurs spécialistes, la future administration Trump pourrait être rattrapée par la Realpolitik et être amenée à revenir sur le postulat de la campagne électorale « L’Amérique d’abord ». « L’endiguement et la concurrence avec la Chine, ainsi que l’accès aux minerais stratégiques et critiques, feront toujours partie du calcul américain », a déclaré à BBC le Dr Alex Vines, responsable du programme Afrique à Chatham House, un groupe de réflexion basé à Londres.
Ben Latévi