
Ministres, députés, conseillers régionaux, sénateurs, gouverneurs…
Si un terrien estime avoir compris comment fonctionnera le Togo sous la Vème République, c’est certainement qu’on lui a fourni des explications tronquées. Lentement, mais assurément, le pays plonge dans une gestion des plus opaques et qui rime plus à du cinéma qu’à autre chose. Gouvernement, députés, conseillers régionaux, sénateurs, gouverneurs, président du conseil des ministres, puis président de la République. Un chemin tout tracé vers le ciel [himelstrasse en allemand, Ndlr] pour le régime en place, mais une voie ouverte sur des dépenses tout aussi somptuaires qu’inutiles.
A quelle sauce le budget du Togo sera consommé ? Quels seront les écarts négatifs qui lesteront le collectif budgétaire prochain avant l’adoption de la loi de finances, gestion 2025 ? Il faut juste scruter sans état d’âme l’usage à venir de la contribution des citoyens aux recettes du pays pour réaliser que dans l’agenda du régime en place, c’est la loi du « tout pour les amis et proches, et rien pour le peuple ».
Chaque année, le Togo recourt aux bons et obligations sur le marché de l’UMOA pour pouvoir boucler le budget. Et ces apparitions ne sont pas sans intérêt pour les souscripteurs. Mais l’usage qui est fait de ces emprunts couvre les besoins dans divers domaines. Et parmi ces besoins, figure « l’entretien » des « élus et des nommés ». Si au moins le nombre de ceux-ci requérait l’adhésion du peuple au nom duquel on dit gouverner, le débat n’existerait pas.
Elections législatives. Le 29 avril 2024, le régime a cru bon de faire élire 113 députés au lieu des 81 existants. Sans un devoir d’explication au peuple. Et pourtant, le Togo, pays ayant mis les petits plats dans les grands pour être inscrit dans l’initiative des pays pauvres très endettés (IPPTE), ne dispose pas d’un ratio d’endettement rassurant. Mais on a choisi d’augmenter le nombre de députés avec la certitude que la razzia pour le parti au pouvoir sera conséquente.
Le même jour, se sont déroulées les premières élections régionales. Là aussi, aucune consultation du contribuable. Et pour une première expérience, il a été décidé de porter l’effectif des premiers conseillers régionaux à 179. Avec la conviction que la moisson ne laissera que des miettes aux critiques. Les résultats l’ont confirmé.
Soit dit en passant, un phénomène appelé « décentralisation » a vu le jour et en 2018, de nouvelles mairies ont été créées pour enterrer les délégations spéciales de triste réputation en matière de gestion. Mais pour s’assurer une mainmise sur les rentrées de fonds dans des communes identifiées, un machin truc dit district autonome a été créé dans la foulée des résultats. Ainsi, les recettes de nombre de marchés prennent une direction autre que celle ces communes les abritant.
Dans les jours et mois à venir, le contribuable togolais assistera à l’élection-nomination de sénateurs conformément à l’article 10 de la constitution toilettée sans témoins : « Le Sénat est composé pour deux tiers (2/3) de ses membres, de personnalités élues par les représentants des collectivités territoriales et pour un tiers (1/3) de ses membres, de personnalités désignées par le Président du Conseil. Le mandat des sénateurs est de six (06) ans renouvelable. Sauf renonciation, les anciens Présidents de la République et les anciens Présidents du Conseil sont sénateurs de droit et à vie. Ils ne peuvent être membres du bureau du Sénat… ».
Mais, tout comme pour les députés et les conseillers régionaux, le contribuable ne sera pas consulté sur le nombre de ces sénateurs. « Une loi organique fixe le nombre de sénateurs, leurs indemnités, les conditions d’éligibilité ou de désignation, le régime des incompatibilités et les conditions dans lesquelles il est pourvu aux sièges vacants ainsi que le statut des anciens sénateurs », poursuit le même article.
Et comme si le budget de l’Etat togolais était un tonneau des Danaïdes, on apprend la « nomination » de gouverneurs à la tête des régions. Pourquoi alors ne nomme-t-on pas les maires –vu qu’on a nommé un gouverneur de district pour coiffer treize communes, le président de l’Assemblée nationale et celui à venir des sénateurs, pendant qu’on y est ?
La transparence commanderait que dans les lois de finances à venir, on fasse apparaître clairement les charges supportées par le contribuable du fait de la mise en place des maires, députés, conseillers régionaux, gouverneurs et bientôt sénateurs. Afin qu’une étude comparée puisse être établie pour faire ressortir les dépenses dont le pays pouvait faire économie.
Dans un pays normal, l’existence du sénat dénote d’une vitalité démocratique. Afin qu’une seule partie des citoyens ne soit pas laissée sans contrôle dans la gestion des affaires de l’Etat. Mais s’agissant du Togo, la configuration imposée à la suite des dernières élections montre clairement que face aux députés, l’exécutif n’a aucun souci à se faire ; tous ses projets de loi et initiatives n’auront pas de contempteurs à l’Assemblée nationale. Et la configuration future du sénat ne fera que confirmer ce « boulevard de l’absence de contrôle ». Car on voit mal comment un sénat majoritaire dominé par les membres du régime pourra rejeter des projets de loi de l’exécutif votés par l’Assemblée nationale d’une part, et des propositions de loi de cette assemblée dont les députés majoritaires soupent à la même table que les sénateurs.
C’est là que ressortent les dessous des manœuvres du régime : récompenser le plus de monde possible dans le camp du parti au pouvoir. Sinon, pourquoi une augmentation de députés ? Pourquoi un si grand nombre de conseillers régionaux ? Pourquoi nommer des gouverneurs à la tête des régions ? Pourquoi nommer un gouverneur à la tête de treize communes ? Pourquoi un sénat consommateur de budget ? On pourra aligner des questionnements tous plus pertinents les uns que les autres, et à raison. Sauf qu’au Togo, la gouvernance n’est pas basée sur la raison. Et malheureusement, ce sont les citoyens qui payeront le plus lourd tribut via les caisses de l’Etat.
Godson K.
				



