
Le 12 août 2025, le président Emmanuel Macron reconnaissait par une lettre envoyée à Paul Biya, le président du Cameroun, l’implication de la France dans la guerre coloniale qui avait eu lieu dans son pays avant et après l’indépendance en 1960, c’est-à-dire entre 1945-1971.
Le président reconnaissait ainsi officiellement les conclusions d’un rapport d’une commission d’historiens franco-camerounais qui avait étudié durant une vingtaine de mois le rôle et l’engagement de la France au Cameroun (cf. notre article paru sur ce sujet dans le journal Liberté, n° 3985, le vendredi 14 février 2025).
Selon la lettre qui se fonde sur le rapport des historiens « une guerre avait eu lieu au Cameroun au cours de laquelle les autorités coloniales et l’armée française ont exercé plusieurs types de violences répressives dans certaines régions du pays ». E. Macron a ajouté qu’il lui « appartient aujourd’hui d’assumer le rôle et la responsabilité de la France dans ces événements » d’antan.
En France, cet envoi du président a fait couler beaucoup d’encre. Une association et des leaders d’opinion ont critiqué l’envoi sur la forme, c’est-à-dire le choix d’une lettre – rendue publique ! – durant une période électorale au Cameroun. Il ressemblerait à un soutien apporté au président en lice pour un nouveau mandat. Ce dernier serait « l’héritier direct » du système de gouvernance mis en place après la guerre.
Sur le fond, les réactions sont diverses et plus nombreuses. Tandis que certains pensent que la lettre était une réparation politique et symbolique, ou voient dans l’emploi du terme « guerre » une poursuite d’une « politique de reconnaissance » de la France, après l’Algérie et le Rwanda, d’autres jugent la reconnaissance en deçà des attentes. E. Macron a proposé à P. Biya la mise en place d’un groupe de travail franco-camerounais qui pourrait se réunir une fois par an. Mais au Cameroun, des voix s’élèvent déjà pour une réparation pour les pertes et dommages subis durant la guerre. La société civile joue un rôle important sur la question de la reconnaissance de la guerre au Cameroun.
Dans les relations franco-africaines, que Paris cherche à refaire depuis la vague de contestations au Sahel et les récents retraits des troupes françaises en Afrique de l’Ouest – une sorte de seconde décolonisation? -, le Togo reste comme relégué à la périphérie. L’assassinat du président Sylvanus Olympio, le 13 janvier 1963, dans le cadre du premier coup d’État en Afrique noire, reste un sujet sensible pour les acteurs étatiques, malgré le fait qu’il soit important dans le Nation building au Togo. Or, même dans le cas du second plus fameux assassinat en Afrique noire après les indépendances, c’est-à dire celui de Patrice Lumumba au Congo belge, le dernier témoin vivant sera entendu en justice en Belgique en janvier 2026.
Le fait que la mort du président Olympio soit comme ignorée dans les relations franco-africaines, pose un problème. Même s’il n’y avait pas eu une guerre coloniale française au Togo, la trajectoire de ce pays – sous la France – ressemble, à certains égards, à celle du Cameroun du temps de la colonisation, plus précisément depuis la période des mandats de la SDN, à la décolonisation, voire après. Selon l’historienne Karine Ramondy, présidente de la commission d’historiens susmentionnée, interrogée par France Inter sur la lettre envoyée vers le Cameroun par Macron, « le fait qu’il y ait une reconnaissance sur l’assassinat d’Isaac Pandjock, sur Ruben Un Myobè [sic], la participation de l’armée française dans son assassinat, Déjà, cette lettre est une réparation ».
Mais, au Togo, rien n’est fait pour l’éclaircissement des contours de la mort du président Olympio, qui ne devrait pourtant pas laisser la France insensible. Cette dernière est souvent accusée (à tort ?) pour son rôle dans les évènements ayant conduit à l’assassinat.
Il est nécessaire que les archives en lien avec ces évènements soient rendus totalement accessibles au public en France, afin d’élucider la mort. Cette question concerne le Togo également. Il faut penser une législation sur les archives dans cet État qui soit à la hauteur des défis actuels liés au numérique (NTIC).
Kodzo Gozo, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne