
La nouvelle Constitution controversée adoptée par le régime de Faure Gnassingbé ne passe pas. Mercredi 3 juillet dernier, une conférence-débat sur le changement illégal de la Constitution a mobilisé, le 3 juillet dernier à Brotherhomé à Lomé, environ 300 personnes qui, unanimement, ont rejeté la nouvelle Constitution. Les participants ont appelé à engager une résistance à face ce coup d’Etat constitutionnel. Cette rencontre a été organisée par le Front « Touche Pas A Ma Constitution » qui regroupe des partis politiques et des organisations de la société civile.
« Désormais pilotée avec cohérence et sincérité, la machine du peuple est en marche pour mettre un terme à la plus vieille dictature de l’Afrique de l’Ouest », a déclaré Nathaniel Olympio, porte-parole du Front « Touche Pas A Ma Constitution ».
Ci-dessous, une étude analytique de la nouvelle Constitution.
Etude analytique de la nouvelle Constitution au Togo : le regard objectif d’un observateur
Introduction
Le Togo connaît depuis le début de l’année 2024 un chamboulement relatif à un changement de Constitution et de République qui sort du cadre légal et démocratique. Le but de cette étude va consister à une analyse objective et impartiale de la nouvelle Constitution au regard des principes démocratiques, d’Etat de droit et de Droits de l’Homme.
Il s’agit d’une facilitation en vue de permettre la compréhension de toute citoyenne et tout citoyen sur le régime politique et la situation actuelle dans laquelle se trouve le Togo.
I- Qu’est-ce qu’une Nouvelle Constitution :
C’est un ensemble de lois qui fixent l’organisation et le fonctionnement d’un Etat et qui s’appliquent à tous ses citoyens à la suite de l’acte d’adhésion populaire issu d’un Référendum Constitutionnel.
II- Qu’est-ce que le Référendum Constitutionnel :
C’est l’expression du peuple vis-à-vis d’une nouvelle proposition de Constitution par un suffrage universel. Si le résultat obtenu requiert l’adhésion par une majorité absolue, la Nouvelle Constitution est actée et devient l’acte fondateur par lequel le pays se constitue une identité et qui devient l’ordre sociétal pour la gouvernance étatique.
III- Qu’est-ce qu’une Nouvelle République :
Lorsque le peuple adhère à la Nouvelle Constitution par le Référendum Constitutionnel, le pays passe d’une République à une autre, autrement dit, c’est à travers le Référendum Constitutionnel que le peuple choisit de passer ou non à une Nouvelle République.
IV- La légitimité d’une Constitution
Les principes démocratiques, d’Etat de droits et des Droits de l’homme exigent que toute Nouvelle Constitution, s’il y a besoin, tire sa légitimité du peuple par un Référendum Constitutionnel. Cela ne relève nullement pas des prérogatives d’une assemblée nationale, on ne passe pas d’une République à une autre par un vote de l’assemblée nationale. Les députés votent les lois secondaires et peuvent procéder aux révisions constitutionnelles à la limite, comme c’est le cas en 2002 et 2019. Mais il n’est jamais conféré aux députés la prérogative du changement de la loi fondamentale.
Aucune procédure ne fait passer le changement d’une République par l’assemblée nationale. Une fois l’adoption par le Référendum Constitutionnel, la loi va directement à la phase de Promulgation par le Chef de l’Etat.
V- Historique des Nouvelles Constitutions et Nouvelles Républiques au Togo
Le Togo depuis son indépendance le 27 avril 1960 a toujours respecté le cadre légal et les procédures démocratiques, d’Etat de droit et de Droits de l’homme dans les changements de Constitutions et de Républiques. En suivant la genèse, on peut constater que notre pays est passé à la :
Première République en 1961, après le Référendum Constitutionnel du 9 avril 1961.
Deuxième République en 1963, après le Référendum Constitutionnel du 5 Mai 1963
Troisième République en 1979, après le Référendum Constitutionnel du 30 décembre 1979
Quatrième République en 1992, après le Référendum Constitutionnel du 27 septembre 1992.
Le passage d’une Constitution à une autre, ou d’une République à une autre, l’a toujours été par voie d’un Référendum au Togo. Ainsi, la 1ère, la 2è, la 3è et la 4è République sont appelées comme telles parce que les Présidents Sylvanus Olympio (1ère République), Nicolas Grinutsky (2è République), et Gnassingbé Eyadéma (3è et 4è Républiques), ont tous procédé aux Référendums Constitutionnels avant de passer d’une République à une autre.
VI- Existe-t-il réellement une Cinquième République au Togo :
Il s’agit d’une question légitime que toutes les filles et tous les fils peuvent se poser au regard du désordre qui a affecté les fondements juridiques de la nation togolaise depuis le début de l’année 2024.
Comme on peut le constater avec les différentes Républiques que le Togo a connue depuis l’indépendance, aucune référence ne renvoie le fondement juridique et la légitimité d’une République à un vote à l’assemblée nationale. Les Référendums Constitutionnels ont été le soubassement principal de l’existence de chaque République. Ce qui répond bien aux principes démocratiques de la souveraineté du peuple.
Ainsi, juridiquement, légitimement et démocratiquement, la République en vigueur au Togo est la quatrième République.
Les populations togolaises et la communauté internationale ont été témoins qu’il n’y a pas eu de Référendum Constitutionnel en 2024, et celui en vigueur reste le Référendum du 27 septembre 1992.
VII- Qu’en est-il du Régime monarchique :
Même les régimes monarchiques se fondent sur les Référendums Constitutionnels, comme c’est le cas du Maroc, où le Roi HASSAN II a procédé a un Référendum Constitutionnel en 1962, et son fils MOHAMED VI qui a organisé le sien le 1er juillet 2011.
VIII- Observations de la prétendue ‘’nouvelle constitution de 2024’’ au regard de la Constitution de 1992
A- Qu’est-ce qui nécessite le passage d’une République à une autre
L’histoire des changements de République répond absolument à une préoccupation ou une nécessité d’ordre général d’une nation. Le passage d’une Constitution à une autre répond à une toujours à opportunité jugée comme telle par toute l’opinion publique.
B- Opportunité du passage de la 3è à la 4è République du Togo
Le passage de la 3è à la 4è République du Togo issues respectivement des Référendums Constitutionnels du 30 décembre 1979 et du 27 septembre 1992 a été une nécessité nationale voulue par le peuple togolais, qui a voulu rejeter une dictature caractérisée par le culte de la personnalité, le pouvoir absolu et personnifié, la confiscation des libertés fondamentales, en vue d’une ouverture sur la démocratie et le respect des droits humains.
Cette opportunité converge toutes les énergies nationales d’ordre juridiques et institutionnelles vers une objectivité axée substantiellement sur le respect de la dignité et des libertés inhérentes à l’être humain, afin de miser sur le plein épanouissement des populations pour une capitalisation de ces ressources dans l’intention de développer le pays.
Ceci étant, la 4è République a pour défi de dépouiller les acteurs de la gouvernance de la tentation permanente d’un pouvoir absolu pour les mettre comme tout citoyen sous le pouvoir de la loi Constitutionnelle. Le principe démocratique le plus important est de mettre tout le monde sous la loi, car « Nul n’est au-dessus de la loi ».
C’est pourquoi, la probité morale ou l’éthique des dirigeants devrait être le critère fondamental pour le leadership de la gouvernance d’un pays, comme l’a dit Chinua Achebe : « une démocratie robuste et fonctionnelle a besoin d’un électorat sain, éduqué et participatif, et d’un leadership éduqué et respectueux de la morale ».
C- L’esprit de la 4è République
L’esprit du Référendum Constitutionnel du 27 septembre 1992 visait à trouver une solution au constat général d’une gouvernance dictatoriale de l’Etat dont tout le pouvoir était entre les mains d’une seule personne qui en a abusé. Il était impérieux de restituer au peuple son pouvoir qui lui a été spolié par les dirigeants de la 3è République, ceci par une ouverture démocratique, répondant ainsi à la définition de Abraham Lincoln : « La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Le texte qui a été adopté par le Référendum Constitutionnel avait pour esprit :
D’affirmer l’autorité du pouvoir Constitutionnel sur tous les citoyens
De diversifier les pouvoirs étatiques par des institutions fortes, indépendantes et incorruptibles
D’assurer l’équité et l’égalité des chances pour tous les citoyens
De promouvoir l’alternance politique au sommet de l’Etat
D’orienter la gouvernance étatique sur la protection physique et la dignité des citoyens
De garantir une justice équitable à tous les citoyens
De veiller au mieux-être des populations
D- L’esprit de la Constitution ‘’FAUREcée’’ de 2024
Contrairement à l’objectivité de l’esprit de la Constitution de 1992 qui vise l’intérêt général du Togo, l’esprit du changement apporté en 2024 vise l’intérêt personnel et égoïste du Chef de l’Etat qui cherche à empêcher l’alternance politique pour s’assurer un pouvoir à vie comme l’a fait son feu père. Ainsi, l’esprit a été la personnification du pouvoir d’Etat qui ramène le pays au contexte de la 3è République caractérisée par une gouvernance dictatoriale avec tous les pouvoirs (Exécutif, Judiciaire, Législatif) entre les mains d’une seule personne, qui s’est rassurée les privilèges inadmissibles avec une jouissance exagérée sur le dos du contribuable. Les conséquences demeurent la constance des maux tels que la corruption, la pauvreté, le chômage endémique des jeunes, la faiblesse du pouvoir d’achat, les crimes économiques, la torture, l’injustice sociale, l’appareil judiciaire aux ordres, etc.
E- Le texte Constitutionnel de la 4è République
Le texte consignant la 4è République est en parfaite cohérence avec son esprit. C’est pourquoi, toute interprétation d’un texte Constitutionnel doit se faire en cohérence avec son esprit. Toute interprétation d’un texte Constitutionnel qui sort de son esprit est un prétexte dangereux et préjudiciable. Car, l’esprit vise l’intérêt général de la société et toute interprétation qui sort de ce contexte ne vise que des intérêts égoïstes ou personnels.
F- Etudes comparatives de fond des textes de la Constitution de 1992 et celle falsifiée de 2024
1- Sur les Préambules
En considérant que la Constitution de 1992 tire son fondement du Référendum Constitutionnel du 27 septembre 1992, elle est de facto Porte-parole du peuple et son Préambule peut commencer en ces termes : « Nous, peuple togolais, … ». Cette expression qui commence la première phrase du Préambule tire sa légitimité de la Page de Garde sur laquelle il est écrit : « LA CONSTITUTION DE LA IVè REPUBLIQUE, ADOPTEE PAR REFERENDUM LE 27 SEPTEMBRE 1992 ».
En découvrant avec regret que la prétendue ‘’nouvelle constitution de 2024’’ porte également dans son texte du Préambule les mêmes termes : « Nous, peuple togolais, … », l’on se demande depuis quand l’assemblée nationale peut remplacer un Référendum Constitutionnel ? Est-ce qu’il n’y avait pas de députés avant l’organisation de quatre Référendums Constitutionnels successifs au Togo ?
2- Sur les droits de l’homme
La prétendue « cinquième république » fait une promotion de l’impunité et encourage les formes de violation des droits de l’homme. Contrairement à la Constitution de 1992 qui affirme la protection de l’intégrité physique de tout être humain dans l’article 21 en ces termes : « La personne humaine est sacrée et inviolable Nul ne peut être soumis à la torture ou à d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants Nul ne peut se soustraire à la peine encourue du fait de ces violations en invoquant l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique. Tout individu, tout agent de l’Etat coupable de tels actes, soit de sa propre initiative, soit sur instruction, sera puni conformément à la loi. Tout individu, tout agent de l’Etat est délié du devoir d’obéissance lorsque l’ordre reçu constitue une atteinte grave et manifeste au respect des Droits de l’Homme et des libertés publiques » ; la ‘’nouvelle constitution’’ a consacré une manipulation dans l’article 2 de son annexe ce qui suit : « Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. La peine de mort est interdite ».
Il est profondément regrettable de constater cette forme de manipulation qui a été faite sur texte originel de 1992. Alors que ce texte a consacré la prévention de la torture dans ses alinéas 3, 4 et 5, la nouvelle constitution imposée a enlevé ces alinéas dans l’intention de promouvoir la torture et assurer l’impunité pour les auteurs d’acte de tortures. Ce qui confirme l’utilisation de torture comme une méthode de gouvernance pour la conservation du pouvoir politique.
La suppression de ces alinéas de l’article 21 est la preuve du mépris des règles de Droits de l’Homme et du manque de considération pour la vie et l’intégrité physique des citoyens togolais.
La suppression de ces alinéas n’est pas de nature à protéger également les militaires et agents des Forces de sécurité qui se refuseront d’exécuter les ordres manifestement illégaux.
Il est donc clairement établi que le Chef de l’Eta et ses collaborateurs initiateurs de la prétendue 5è république assume leur responsabilité désormais dans les actes de tortures qui seront alléguées ou constatées.
Tout comme Sadam Hussein avait instrumentalisé la loi de la peine de mort pour terrifier le peuple et neutraliser ses opposants afin de s’assurer une présidence à vie, il s’est fait rattraper malheureusement par sa loi qui l’a pendu. Ceux qui font la promotion de la torture sont avertis.
IX- Conclusion
La Constitution est le principal contrat social au sein d’une société et il ne se décrète pas. Il a un acte Juridique, légitime, incorruptible et irremplaçable appelé Référendum Constitutionnel. Quand il y a besoin d’aller vers un nouveau contrat entre les filles et les fils d’une même nation, il faut un nouveau Référendum Constitutionnel, autrement dit, sans Référendum Constitutionnel, il n’y a pas une nouvelle Constitution donc pas de nouvelle République. La République en vigueur a pour fondement le dernier Référendum Constitutionnel.
Pourquoi le Front « Touche pas à ma Constitution » ?
La Constitution de 1992 est le contrat sociétal que les populations togolaises ont accepté par volonté le 27 septembre 1992, elles ont librement choisi le contenu et la forme du contrat.
Certains se posent la question de savoir à quoi sert le Front « ’Touche pas à ma Constitution » étant donné que la loi est déjà adoptée à l’assemblée et promulguée ? Il s’agit d’une question légitime et la réponse va être claire et limpide :
1- on ne vote pas une nouvelle République ou une nouvelle Constitution à l’Assemblée nationale
2- une nouvelle Constitution ou une nouvelle République n’a pas pour fondement juridique la promulgation, mais le Référendum Constitutionnel. Ce sont les lois issues de révision constitutionnelles qui se fondent sur le vote à l’assemblée et la promulgation. Mais le changement de Constitution se fonde principalement sur le Référendum Constitutionnel.
3- Le Front « Touche pas à ma Constitution » se fonde sur le dernier Référendum Constitutionnel qui est le cadre juridique de toute nouvelle Constitution ou nouvelle République.
4- La 5è République n’a pas de fondement juridique, c’est pourquoi il est du devoir de tout citoyen d’œuvrer en sa manière par le respect du Contrat social authentique qui est la Constitution de 1992
Vu la menace qu’il y a sur le contrat authentique du 27 septembre 1992, le Front « Touche pas à ma Constitution » est un creusé national qui va rassembler toutes les citoyennes et tous les citoyens qui sont contre l’escroquerie qui tente d’imposer une monarchie au togolais. Chacun de sa position, peut dire NON avec fermeté et détermination. Et le Bon DIEU sous lequel le peuple togolais s’est placé va agir au temps opportun.