ActualitesSociété

Restitution des résultats du projet Legba-Dzoka : La collection Spiess au cœur des débats à Lomé

Les résultats du projet de recherche Legba-Dzoka, consacré à l’étude de la provenance de la collection du missionnaire allemand Carl Spiess au Togo allemand et à la Gold-Coast, ont été restitués le 4 septembre dernier lors d’un workshop organisé au Goethe-Institut de Lomé. L’atelier a réuni l’équipe de recherche, des experts du monde académique, des prêtres vodous, des pasteurs de l’Église Évangélique Presbytérienne du Togo (EEPT), un prêtre catholique ainsi que des chefs traditionnels.

Le projet est porté par une équipe pluridisciplinaire composée de chercheurs venus du Ghana, du Togo, d’Allemagne, d’Italie, des Pays-Bas et des États-Unis. Il bénéficie de l’appui financier du Deutsches Zentrum Kulturgutverluste (DZK). Depuis plusieurs années, la restitution des objets pillés pendant la colonisation alimente les débats dans de nombreux pays africains. Le Togo n’y échappe pas, avec notamment la collection Spiess, aujourd’hui conservée au Übersee-Museum de Brême en Allemagne.

L’objectif du projet Legba-Dzoka a été d’étudier la provenance de ces objets, d’évaluer leur importance culturelle et spirituelle auprès des communautés d’origine, et de réfléchir aux perspectives de leur restitution. « Ce projet, entamé depuis plus de deux ans, vise à comprendre l’authenticité des collections africaines constituées à l’époque coloniale. Des milliers d’artefacts ont été pillés. Nous avons voulu retracer leur provenance et analyser leurs valeurs culturelles et spirituelles, particulièrement dans les collections issues de missions religieuses », a expliqué le Dr Kokou Azamede, enseignant-Chercheur en Études germaniques à l’Université de Lomé et point focal du projet pour le Togo.

Au cours du workshop, les chercheurs ont présenté le travail que le DZK fait en Allemagne en matière de recherche sur les collections coloniales, la collection Spiess et sa conservation au musée de Brême, la biographie de Carl Spiess et sa méthode de collecte, les résultats préliminaires des enquêtes de terrain menées dans le sud et le centre de la Volta, au Ghana ainsi que dans les régions maritime et plateau au Togo. Les résultats ont montré que des objets longtemps diabolisés apparaissent en réalité comme familiers et porteurs de spiritualité au sein des communautés, qu’elles soient chrétiennes ou non. « Il existe une unanimité sur la nécessité de leur retour, non seulement pour des raisons spirituelles, mais aussi pour des finalités éducatives », a précisé Dr Azamede.

La question de la restitution a suscité un débat nourri entre prêtres vodous, chefs traditionnels, universitaires et pasteurs. Le professeur Oloukpona-Yinnon, enseignant-chercheur à l’Université de Lomé, a rappelé la prudence nécessaire quant à l’authenticité de ces objets, citant l’exemple du Dahomey où une copie du trône de Béhanzin avait été présentée en France comme étant l’original. Pour sa part, Togbui Afanwubo, chef du quartier Tokoin Lycée et représentant le chef canton d’Amoutivé, a souligné que même dans un contexte de pauvreté, il reste difficile que des familles vendent ou cèdent volontairement des objets rituels tels que des Légba. Il a insisté sur la nécessité d’enseigner la spiritualité Éwé aux enfants dès le plus jeune âge afin qu’ils comprennent leur véritable sens.

Concernant la restitution, les positions sont restées partagées. Certains appellent à un retour immédiat des objets, afin qu’ils puissent être réintégrés rituellement dans leur environnement d’origine. D’autres estiment qu’une fois sortis de leur territoire, ces artefacts sont souillés et ont perdu leur valeur spirituelle. Et qu’il ne servirait plus à rien de les ramener. L’éducation des jeunes générations a également été mise en avant comme une priorité, pour leur permettre de saisir la véritable signification de ces objets et de dépasser la vision négative héritée de la colonisation.

Pour le Dr Azamede, ce workshop n’est qu’une étape. « Nous avons voulu éclairer la communauté sur la présence de ces objets à l’extérieur et sur leurs valeurs. Mais le débat reste ouvert. Il s’oriente désormais vers une réflexion sociale et identitaire sur notre rapport à ces entités spirituelles », a-t-il conclu

Pour rappel, l’équipe de recherche Legba-Dzoka était composée de : Sela Adjei (University of Media, Arts and Communication, Ghana), Kodzo Abotsi ( Département d’Etudes Germaniques, Université de Lomé), Kokou Azamede (Département d’Etudes Germaniques , Université de Lomé), Kodzo Gavua (Archaeology, University of Ghana), Angelantonio Grossi (University), Mercy Klugah (University of Health and Allied Sciences, Ho), Malika Kraamer (Global Heritage Lab, Bonn University), Birgit Meyer (Utrecht University), Silke Seybold (Übersee-Museum Bremen), Assima Tcharie Aboua (Département d’Etudes Germaniques, Université de Lomé), Ohinko Mawusé Toffa (Prussian Heritage Foundation, Berlin), ainsi que Christopher Voncujovi et Kofi Voncujovi (Afrikan Magick Temple, Accra).

Joël Dadzie

 

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page