Politique

Coup d’Etat électoral permanent : Comme toujours, le parti au pouvoir opère une razzia aux municipales

 

Largement contesté dans les rues par une jeunesse togolaise avide de changement, de liberté et de justice, et malgré le boycott ostentatoire des populations, Faure Gnassingbé, et son parti, UNIR, ont réussi l’extraordinaire exploit de rafler presque tous les sièges lors des élections municipales du 17 juillet. Comment cela est-il possible ? Pourra-t-on se demander. De fait, depuis des décennies, sous le père comme sous le fils, les élections, dans notre pays, se sont déroulées invariablement de la même manière. A la fin, c’est le parti au pouvoir qui gagne.

Selon les résultats proclamés hier lundi 21 juillet par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), sur les 1 527 sièges de conseillers municipaux à pourvoir, UNIR s’est octroyé 1150, soit un taux de 75,31%. Les 28 partis et regroupements politiques et 44 listes indépendantes se sont partagées les 337 sièges restants.

L’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) de Jean-Pierre Fabre vient en deuxième position avec 51 siège soit (3,37%). Suivent ensuite respectivement l’Union des Forces de Changement (UFC) : 38 sièges (2,49%) ; l’Alliance des Démocrates pour le Développement Intégral (ADDI) : 34 sièges (2,23%) ; le Bloc Alternatif Togolais pour une Innovation Républicaine (BATIR) : 33 sièges (2,16%) ; le mouvement « Togolais Vient Agir » (TOVIA) : 24 sièges (1,57%).

« Le Togo est présenté comme le seul pays au monde où les habitants marchent sur la tête les pieds en l’air : plus ils sont appauvris et rendus miséreux, plus ils sont violemment réprimés, torturés et emprisonnés, plus ils sont massacrés, plus ils font confiance à leurs bourreaux en leur accordant de plus en plus de leurs suffrages », déclare, dépité, un compatriote. Il suggère qu’on devrait supprimer toutes les élections au Togo, afin d’affecter les milliards de FCFA dépensés dans l’organisation de ces élections, à la satisfaction des besoins sociaux urgents des populations.

En tout cas, en prenant part à cette énième farce électorale, personne, au niveau des forces démocratiques, ne devrait se faire d’illusions de pouvoir renverser la table, rompre avec l’ordre établi. Surtout dans une dictature militaro-clanique vieille de 60 ans comme la nôtre. Où tous les responsables des institutions chargées d’organiser les élections (Cour Constitutionnelle, Commission électorale, CELI et toutes les autres machines à tricher) sont nommés par le pouvoir qui est à la fois juge et partie dans le jeu électoral au Togo. Il y a aussi les fonctionnaires, les autorités locales et coutumières devenus tous des agents électoraux du parti au pouvoir. Muni de cet arsenal, plus personne ne peut leur tenir tête. Au RPT/UNIR, on se gausse bien des règles. Ils sont là pour gagner et ils se donnent tous les moyens de gagner vaille que vaille.

En plus d’avoir la mainmise totale sur les organes impliqués dans l’organisation des élections, qui lui obéissent au doigt et à l’œil, c’est également Faure Gnassingbé qui tient le cordon de la bourse, le nerf de la guerre. Depuis six décennies, le régime de père en fils a accaparé toutes les richesses, les biens et ressources du pays -comme l’a reconnu ouvertement Faure Gnassingbé lui-même en 2012- , des richesses qu’il utilise grassement et gracieusement pour acheter, corrompre, offrir des bakchichs à tout-va à qui ils veulent, autant à l’intérieur qu’à l’étranger (dirigeants, diplomates et autres personnalités, institutions…) pour se maintenir et jouir indéfiniment du pouvoir.

Les revenus des douanes et impôts cumulés, les recettes portuaires et de toutes les entreprises au Togo sont utilisés exclusivement pour le service du parti au pouvoir. Ces fonds colossaux, selon les révélations faites au lendemain d’une élection présidentielle par le journaliste français Régis Marzin, spécialiste des élections en Afrique, servent « à de la distribution quotidienne, souvent plusieurs centaines de milliers d’euros par jour distribué en cartons ou sacs plastiques ». Il n’est donc pas surprenant que certains commis de l’État stockent aussi des cartons d’argent chez eux comme on emmagasine des macaronis. Pendant qu’autour d’eux, les visages émaciés par la misère et la pauvreté n’ont pas de quoi mettre sous la dent.

C’est le développement du pays qui en pâtit. L’argent qui devrait servir à construire et à équiper des hôpitaux modernes au profit des populations, à construire des universités, des infrastructures scolaires, des routes, etc., bref à moderniser le pays comme on en voit dans les pays voisins, est utilisé pour une corruption régulière aux fins de conservation du pouvoir contre la volonté des Togolais. Et c’est également le peuple qui en paie un lourd tribut, maintenu dans une misère indescriptible, clochardisé, réduit à la mendicité pour être mieux exploité.

Cette misère créée et entretenue par le régime est encore plus prononcée au niveau des partis politiques qui accourent pour des élections pour lesquelles ils savent en leur âme et conscience qu’ils n’ont aucune chance de remporter, mais auxquelles ils participent quand même pour avoir la chance de se faire cadeauter de quelques strapontins et continuer à lécher les doigts et entretenir le mirage. Voilà à quoi Faure Gnassingbé et sa minorité pilleuse nous a réduits au Togo.

Aux ressources économiques amassées et organes électoraux partisans, partiels et partiaux, s’ajoute un troisième facteur non négligeable, l’institution militaire, le socle même du pouvoir, inféodée au fils du père et est prête à tout.

Il est de notoriété publique qu’au Togo, les pratiques politiques et sociales restent très éloignées des standards de l’élection libre et concurrentielle. Fondamentalement, les élections, dans les conditions et circonstances où elles sont organisées depuis des décennies, n’apporteront aucun changement majeur dans notre pays.

Voilà des décennies que le même scénario se répète. Continuer à prendre part à ces faillites électorales, qui illustrent une véritable situation de coma démocratique, en nourrissant l’hypothétique espoir de gagner, c’est faire preuve d’un aveuglément suicidaire.

M.A.

 

 

 

 

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