
Dans la Kozah, des juges jouissent de l’impunité malgré des scandales. Ce sont des « intouchables » qui en ont cure de procès équitable à l’égard de certaines personnes et communautés notamment les peuhls. Une situation que dénonce le juriste Matchi Daoudou dans un courrier adressé au Président du Conseil.
D’après lui, des magistrats de la Cour d’Appel de Kara foulent aux pieds certaines dispositions pénales. Il expose. « Des personnes saisissent des juges d’instruction qui ne statuent même pas du tout sur les saisines comme l’exige le code de procédure pénale togolais en son article 115 alinéa 3 », fait-il observer. Ces personnes introduisent alors des recours devant la chambre d’instruction, conforment à l’alinéa 5 du même texte. Elle statue six (6) jours après l’expiration du délai prévu par loi ou statue sur autres questions que celles dont elle a été est saisie.
Saisi après l’expiration du délai, le procureur général refuse à son tour de respecter le texte sus-cité. C’est le cas du sieur Djodji Aboubacar. Inculpé d’abus de confiance, souligne Matchi Daoudou, il a fait vingt (20) mois de détention préventive. Alors que le maximum de la peine était de trois (3) ans, il a été condamné à 48 mois. Soit 4 ans fermes. « Son seul crime est d’avoir réclamé l’application des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 113 du Code de procédure pénale, qui prévoit une libération d’office en l’espèce. C’est dire, avec tristesse et rage, que l’on constate que le Code de procédure pénale est allégrement foulé au pied au Togo par certains magistrats », déplore l’activiste et défenseur des droits humains.
Plus consternant, relève Matchi Daoudou, des magistrats qui tordent le cou aux lois sont paradoxalement promus. Parmi eux, Setekpo Kokou Virgile. Procureur près le tribunal de grande instance de Kara. « Après avoir fait condamner l’Etat togolais par la cour de justice de la CEDEAO à cause de ses actes, il a libéré un pédophile en complicité avec le juge d’instruction et dénoncé par la presse, est promu major de sa promotion et affecté encore comme procureur de la république près le tribunal de grande instance d’Atakpamé », lit-on dans le courrier.
Sur la liste, Maitre Dobou Likem, huissier de justice à Kara. Ce dernier est mis à contribution dans les violations aggravées des droits de l’homme, dans les saisies et des ventes abusives. Il menace de mettre fin à la liberté d’un citoyen. Malgré cela, il est protégé par les mêmes magistrats : le juge Baba Yaya Lamine président du tribunal de Kara, Ali Abdou Rahim, procureur de la république près le tribunal de grande instance de Kara, Komlan Komlavi, juge d’instruction, Adjeouda Achou, président de la première chambre correctionnel de la cour d’appel de Kara entre autres.
Tous ces magistrats ont été promus grâce à des « notes par affinités ». Moti Nutifafato Amévo Kokuvi et Koutob-Naoto Tchontchoko, respectivement Président de la Cour d’appel de Kara et Procureur Général de la cour d’appel de Kara, ont œuvré à ces promotions fantaisistes. Ils sont aujourd’hui à la Cour suprême et l’un parmi eux fait l’objet d’une plainte pour abus de pouvoir, mais cette plainte est en attente depuis. Ce sont également eux qui ont cautionné des bavures qui ont fait condamner l’Etat du Togo.
Peuhls, « peuple martyr »
Au Sahel comme dans certaines régions côtières, les peuhls paient le lourd tribut du fait de leur condition d’éleveurs. Cette stigmatisation semble s’observer au Togo. En tous cas, c’est ce que décrit Matchi Daoudou dans sa lettre ouverte. « Les peuhls subissent un acharnement sans précédent, arrêtés, parfois violentés, suivis des perquisitions abusives et illégales. Ils sont gardés à vue pendant des semaines voire des mois en détention, sur la base des simples soupçons ou des dénonciations sans fondement ou quelquefois pour des règlements de comptes des problèmes de voisinage ou des problèmes entre éleveurs et agriculteurs », dénonce-t-il. A cela s’ajoutent, selon lui, la peur constante de sortir en ville et d’aller au marché.
Obligés de vivre reclus, les peuhls sont souvent accusés de terroristes. Une situation préoccupante puisque les accusés ne bénéficient pas de l’assistance des défenseurs des droits de l’Homme. Aussi sont-ils exclus des rencontres internationales des éleveurs. Leurs voix ne comptent pas alors que pense Matchi Daoudou, on devrait écouter ces populations victimes de terrorisme. Face à ce qu’il qualifie de ségrégation, le défenseur des droits de l’Homme propose d’impliquer suffisamment leurs enfants et leurs parents intellectuels dans les sensibilisations, créer les conditions d’épanouissement de la jeunesse peuhle, exiger des enquêtes approfondies avant toute interpellation, entre autres.
Le mal est profond, pense le défenseur des droits de l’Homme. Car d’après lui, ceux qui dénoncent les actes commis par des magistrats indélicats sont menacés, intimidés voire humiliés par le ministre de la justice. « Je suis vu par tous ces magistrats que je dénonce, et quasiment tout le reste de la magistrature comme une personne dérangeante, qu’il faut à tout prix faire taire. Ils m’en veulent tout simplement, parce que je mène une lutte engagée pour les droits et les libertés des justiciables togolais », alerte Matchi Daoudou.
Face à ces menaces, il exhorte le Président du Conseil au remplacement de ces magistrats indélicats et qu’ils soient poursuivis. Il l’invite à faire cesser les intimidations, menaces à l’endroit des défenseurs des droits de l’Homme et à veiller au respect et à la dignité des « journalistes et activistes qui font objectivement leur travail ».
T.G